La Gen Z semble obnubilée par les dupes, influence de la plateforme TikTok oblige. Eh non, il ne s’agit pas que d’une question d’économie. Décryptage.
Ce qui était jadis un peu confidentiel, voire même tabou, est aujourd’hui pleinement assumé par une certaine clientèle, toujours plus nombreuse : les dupes de parfums de grandes maisons. Si bien que des entreprises en ont même fait tout un business. Selon le site ShelfTrend, le marché mondial des dupes de parfums est évalué à 2,71 milliards de dollars (!) et cela ne serait qu’un début. À en croire Expert Market Research, ce même marché pourrait atteindre une valeur de 11,75 milliards de dollars d’ici 2034, tant sa valeur est en croissance constante. Mais comment expliquer ce phénomène ?
Pour mieux comprendre, il faut premièrement se pencher sur la clientèle. Qui achète les dupes ? Toujours selon ShelfTrend, les principaux acheteurs de ces parfums sont la Gen Z et les Millennials, ce qui pourrait possiblement ne pas trop vous surprendre, pouvoir d’achat réduit oblige. Sauf que la tendance ne se limite pas aux budgets serrés. Selon une étude à l’échelle mondiale menée par les cabinets d’études Kantar et Altiant, 6 % des jeunes consommateurs les plus fortunés achètent eux aussi des dupes en parallèle de leurs autres achats de luxe. Comme si l’acquisition d’un parfum d’une grande maison n’était plus un achat si symbolique, contrairement à un sac ou une paire de souliers. Mais nous y reviendrons.
Une dépense plus ou moins décomplexée qui doit beaucoup à… TikTok, plateforme dont l’influence n’est plus à démontrer. D’après Business of Fashion, c’est même le premier influenceur d’achats de parfums auprès de la Gen Z, à 66 %, devant Instagram et YouTube. Parmi les entreprises bien connues, on citera Dossier, pionnier du genre, Armaf, très apprécié au Moyen-Orient, ou encore Adopt en France. Sans oublier les enseignes de fast fashion qui proposent leurs propres dupes avec un certain succès, comme Zara, dont le parfum façon Baccarat Rouge, nommé “Red Temptation”, a été ultra viral ces derniers mois. Même les supermarchés s’y mettent et vous pouvez ainsi trouver des dupes à moindre coût chez Lidl et Action - on parle parfois de flacons à moins de deux euros.
@Armaf
L’engouement ne serait-il qu’une question d’économie ? Eh bien oui… et non. De nombreuses études, à l’instar de celle de la chambre de commerce américaine, ont démontré que la Gen Z n’était pas tant obsédée par la signature que les générations précédentes. Autrement dit, plutôt que d’avoir un seul parfum qui les caractérise, ils lui préfèrent un “vestiaire olfactif”, avec une jolie rotation au gré des jours, humeurs, moments et saisons. Chose plus simple à faire avec des dupes à moindre coût (avec 200 euros, soit le prix moyen d’un parfum de grande maison ou “niche”, on peut facilement avoir entre cinq et dix dupes).
Toujours à l’antithèse des générations antérieures, la Gen Z préfère acheter des parfums en se basant sur les avis TikTok… et rien que les avis. Tandis que les Millennials et consorts aimaient essayer, tester, sentir le parfum en boutique physique, à même la peau. La Gen Z n’a pas cette habitude de consommation et se base davantage sur les “crash tests” et “storytimes” de ses influenceurs favoris pour réaliser ses achats. Le storytelling d’un créateur de contenus est jugé plus fort, plus intime que celui d’une maison pour accompagner la sortie d’un parfum. Un joli spot télé (et pas toujours adapté aux réseaux sociaux, ce qui est sans doute l’erreur), une star bien connue et une musique entêtante n’y feront rien.
YouTube @manuella
Aussi, certains consommateurs de cette génération ne voient pas nécessairement le parfum comme un objet de luxe, à l’instar des souliers ou des premiers sacs, comme cités plus tôt. Il s’agit plutôt d’un outil de jeu identitaire, qui ponctue un outfit. Il y a également une fierté et une grâce dans le fait d’avoir trouvé “la meilleure offre”, “la bonne affaire”. Économiser est un nouveau facteur de reconnaissance et de richesse, plus modeste, mais dont on parlera tout autant. Les hausses de prix agressives des maisons de luxe (certains parfums ayant doublé en cinq ans) ont aussi créé les conditions de ces nouvelles habitudes de consommation.
On pourrait dès lors se demander pourquoi certaines maisons, face aux “copies” de leurs créations, sont aussi passives. C’est qu’elles sont hélas juridiquement assez impuissantes. En France, depuis un arrêt de la Cour de cassation de décembre 2013, un parfum ne peut pas être protégé par le droit d’auteur, même s’il concerne ostensiblement “l’œuvre de l’esprit”. Puisque les dupes opèrent en créant des parfums qui imitent la formule de fragrances haut de gamme sans copier directement les noms déposés, logos ou emballages, ils tombent dans une zone grise légale où ils ne sont pas considérés comme des contrefaçons.
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